Publié le 6 juillet 2025

L’homosexualité n’est ni une mode, ni importée

Je vais faire mon coming-out : je suis parfaitement hétérosexuel. Y’a pas photo. Néanmoins, je suis LGBT friendly. Cela signifie que je suis pour la création d’un environnement de soutien, de respect et d'égalité pour la communauté LGBT sans nécessairement adhérer au mouvement LGBT, encore moins s'engager dans des actions militantes. Bref, je suis contre l’hypocrisie et la manipulation de l’histoire qui veut que l’homosexualité est étrangère à la culture malgache et que c’est plutôt une mode importée. Explication.

Par Randy donny

Image de couverture de L’homosexualité n’est ni une mode, ni importée

Pas de sodomie, mais des gays et travestis

Récemment, le gouvernement malgache a rejeté certaines recommandations de l’Examen Périodique Universel (EPU) du Conseil des droits de l’Homme, à Genève. Parmi celles-ci figure la « recommandation relative au mariage entre personnes du même sexe (…) car les us et coutumes malgaches ne permettent pas ces pratiques » (sic).

Ceci ne veut pas dire que l’homosexualité est une pratique née sous l’influence du développement et apportée par la culture étrangère. C’est une pratique connue à Madagascar depuis la nuit des temps. Différents documents attestent de la pratique de l’homosexualité à travers l’histoire à Madagascar. Sur la côte Est, de la baie d’Antongil à l’Extrême-Sud, il existe une tradition homosexuelle appelée « sekatsa » : des gays et travestis.

En 1661, Etienne de Flacourt évoque ces « sekatsa » dans « Histoire de la Grande Isle Madagascar ».

« La sodomie n’est point en usage par cette nation et leur est inconnue. Il y a bien quelques hommes qu’ils appellent « tsekats », qui sont des hommes efféminés et impuissants qui recherchent les garçons, font mine d’en être amoureux, en contrefaisant les filles et se vêtant ainsi qu’elles, et leur font des présents pour dormir avec eux et même se donnent des noms de filles, en faisant les honteuses et les modestes. J’ai interrogé des sortes de « tsekats » et leur ai demandé pourquoi ils vivaient de la sorte, ils me firent réponse qu’en leur pays ils se vouent dès leur jeunesse à exercer cette sorte de vie, qu’ils font vœu de virginité et que ce qu’ils recherchent dans la compagnie des jeunes hommes n’est point à mauvaise intention, sans rien commettre de malhonnête, ce que mes nègres (serviteurs malgaches) et leurs femmes m’ont assuré. Ils disent aussi qu’ils servent Dieu en vivant de la sorte. Ils haïssent les femmes et ne les veulent point hanter ».

Etienne de Flacourt parlant des « sekatsa » dans « Histoire de la Grande Isle Madagascar », publié en 1661. 

Une autre source, daté de 1845, « Documents sur l’histoire, la géographie et le commerce de la partie occidentale de Madagascar », de Charles Guillain, parle d’un cas d’homosexualité chez Tafikandro, chef des Sakalava Marambitsy du Boeny.

Bello est « un simple Sandagouatsi (…) fort aimé de Tafikandro auprès de qui il remplit le rôle d’intendant, de conseiller et de mignon. Le prince sakalava est suspecté par ses sujets de se livrer à l’infâme coutume qui attiré le feu du ciel sur Sodome, et om faut avouer que les apparences sont contre lui car, outre l’affection particulière qu’il témoigne pour Bello, il n’a aucune femme dans sa case, et paraît avoir le beau sexe en horreur.

Au temps d’Andriantsoly Cet éloignement lui a été inspiré, dit-on, par les suites funestes que faillit avoir pour lui une liaison frauduleuse avec l’épouse d’un de ses chefs. La chose se passait au commencement du règne d’Andriantsoly, le mari ayant en connaissance de ce commerce adultère, et n’espérant pas obtenir justice, ou craignant de la réclamer à cause du rang de l’offenseur, se chargea lui-même du soin de sa vengeance et fit prendre du poison à son rival. Tafikandro n’échappe à la mort qu’après d’atroces souffrances et avec la perte d’une partie de sa raison. Et bien qu’une vingtaine d’années aient passé sur cet événement, il en a conservé une telle impression que depuis, il s’est abstenu de toute relation avec les femmes. Sa cousine a seule, et bien rarement encore, le privilège d’entrer dans la case qu’il occupe ».

Deux hommes en pédication. Statuette en bois dur, rougeâtre, œuvre du sculpteur mahafaly Ekomarioka d’Andranokitoto, canton du mpanjaka Taikomby, à Betioky-Sud, en 1927

Au début de de la colonisation, différentes études affirment que le quartier d’Ambanidia était le fief des « sarimbavy » (semblant de femme), terme malgache pour désigner les homosexuels masculins. A l’époque, les homosexuels sont surtout issus du milieu culturel : troupe folklorique et, plus tard, le théâtre.

A Ambanidia, la star était Raivomahatana, mais également Mavolahy. Mais il y avait aussi Imanandala à avaratr'Ilafy, etc.

Actuellement, en raison des discriminations et autres formes de rejets liées à l’orientation sexuelle qui sont encore très vives à Madagascar, les homosexuels se cachent pour mourir. Et pourtant, ils sont nombreux, notamment au sein des organismes internationaux et parmi les autorités elles-mêmes. Les coming-out sont exceptionnels et se font dans la plus totale discrétion.

Un groupe d’homosexuels d’Antananarivo, tiré de l’ouvrage du Dr Emile Laurent, « Les sharimbavy de Madagascar » in « Archives d’anthropologie criminelle de médecine légale et psychologie normale et pathologique (vol. 26), 1911, pp. 243.

Documentation :

  1. Dr Lasnet, étude sur les « sekatra » sakalava dans « Annale d’Hygiène et de Médecine », collection 1899, p. 494.
  2. Dr Rencurel, étude sur les « sarimbavy merina, invertis sexuels à perversion spéciale », dans « Annale d’Hygiène et de Médecine », collection 1900, p. 562.
  3. Mialisoa Alexandre Andrianantenaina, « Homosexualité et droit malagasy », thèse universitaire, 2017.
  4. Anja Francky Andriambololona, « Vécu des gays face aux réactions de la société : cas des étudiants d’Antananarivo », Master en Psychologie social, université d’Antananarivo, 2017
  5. Séraphin Handriniaina, « Homosexualité à Madagascar : en parler à l’église ? », 2019.

Qu’en dit le Code Pénal ?

L’article 331.3 du Code Pénal punit « quiconque aura commis un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe mineur de moins de 21 ans ».  

Cela veut-il dire que l’homosexualité est autorisée entre adultes consentants ? Le débat est ouvert.