Les sénateurs désignés tiennent leur légitimité de la nomination émanant de l’autorité présidentielle en exercice
La vacance de postes, dans un contexte de mutation politique et institutionnelle, constitue une anomalie démocratique susceptible d’affecter le fonctionnement régulier du Sénat et, par extension, l’équilibre du pouvoir législatif au sein de l’État.
Le principe de continuité de l’État implique la permanence du fonctionnement régulier des institutions, mais aussi l’adaptation de leurs composantes à la volonté politique issue du suffrage universel et des changements intervenus dans la direction de l’exécutif.
Les six sénateurs désignés par le président de la République ne tiennent leur légitimité que de l’acte de nomination émanant de l’autorité présidentielle en exercice. La fin de mandat ou la démission du président ayant procédé à la désignation met en cause la légitimité politique des personnalités nommées au titre de sa prérogative.
Dès lors qu’un nouveau président de la République est élu et investi dans ses fonctions, il lui revient de confirmer, maintenir ou remplacer les sénateurs désignés au titre de sa compétence exclusive. Le renouvellement de ces six sièges est donc un acte de cohérence politique et un gage de légitimité démocratique du pouvoir exécutif. Il s’agit d’une prérogative discrétionnaire, mais politiquement et constitutionnellement fondée, que le nouveau Président peut et doit exercer.
Le refus ou l’omission de ce remplacement peut constituer une atteinte indirecte à la souveraineté du nouveau mandat présidentiel.
1. Légitimité démocratique du mandat présidentiel
Les sénateurs désignés par l’ancien Président traduisent une orientation politique correspondant à un autre mandat. Leur maintien en fonction, sans confirmation expresse du nouveau Chef de l’État, constitue une contradiction entre la volonté populaire exprimée lors de l’élection présidentielle et la composition du Sénat.
2. Nécessité d’un Sénat représentatif et fonctionnel
Le Sénat, en tant que chambre de représentation territoriale, doit refléter la diversité politique et institutionnelle du pays. La désignation de nouvelles personnalités permettra :
- d’assurer une meilleure articulation entre les politiques nationales et les collectivités territoriales ;
- de renforcer l’efficacité du contrôle parlementaire et de la législation ;
- et de restaurer la crédibilité du Sénat aux yeux du public.
3. Stabilité institutionnelle et gouvernance harmonieuse
Le maintien d’anciens sénateurs non alignés sur la vision politique du nouveau gouvernement crée des frictions institutionnelles nuisibles à la stabilité politique.
Le remplacement des membres désignés contribuera à :
- stabiliser les relations entre le Sénat et l’Exécutif ;
- garantir une meilleure coordination des réformes législatives ;
- et assurer une mise en œuvre cohérente du programme présidentiel.
Le remplacement des six sénateurs désignés par le précédent président est d’autant important que, ces derniers temps, le Sénat est décrié comme inutile et est devenu impopulaire. Jugé coûteux et inefficace, le rôle du Sénat est mal compris. Il a une image de “parlement de récompense politique”, plutôt qu’une chambre de réflexion indépendante.
En fait, ce n’est pas le principe du Sénat qui est mauvais en soi, c’est la manière dont il fonctionne dans le contexte malgache. Dans les pays démocratiquement avancés (France, Italie, Afrique du Sud, Etats-Unis), le Sénat joue son rôle efficacement -preuve que le modèle n’est pas mauvais, mais son application à Madagascar reste incomplète.
Quésaco ?
Le Sénat fait partie du pouvoir législatif au même titre que l’Assemblée nationale. Ce bicaméralisme évite qu’une seule assemblée concentre son pouvoir. Cela permet de limiter les excès ou les décisions trop impulsives de la majorité parlementaire et d’introduire une lecture plus posée des lois. Avec la moyenne du niveau intellectuel des députés, l’existence du Sénat s’avère salutaire lors de l’adoption des lois.
1. Relire et améliorer les lois
Le Sénat est une chambre de réflexion et de révision. Il permet d’éviter les décisions trop précipitées. Le Sénat examine les projets et propositions de lois adoptées par l’Assemblée nationale. Le Sénat peut donc proposer des amendements, signaler des incohérences ou des risques juridiques et approfondir certains sujets.
'Les sénateurs prennent plus de temps pour examiner les textes. Leur rôle est d’apporter une analyse plus technique et approfondie. Leurs commissions d’enquête et rapports sont souvent d’une très grande qualité. Ils favorisent des débats moins partisans que ceux de l’Assemblée. Il peut servir de garde-fous contre les excès d’un gouvernement ou d’une majorité trop puissante. Le Sénat peut temporiser ou bloquer certaines lois jugées trop dangereuses.
En somme : le Sénat réfléchit quand l’Assemblée agit.
2. Représenter les collectivités territoriales.
L’article 81 de la Constitution précise que le Sénat représente les collectivités décentralisées et les organisations sociales et économiques. Il est donc censé équilibrer les voix des provinces et des régions par rapport à a capitale. Le Sénat garantit donc que les décisions nationales tiennent compte des réalités locales.
3. Assurer la continuité de l’État.
Le Sénat joue un rôle de stabilité politique. C’est une chambre de modération et de continuité. Son renouvellement partiel évite les changements brutaux. Voilà pourquoi la Constitution ne prévoit pas de dissolution automatique ou de faculté de dissolution par le Président ou autres organes. En cas de crise ou de dissolution de l’Assemblée nationale, le Sénat reste en place. C’est donc une chambre moins soumise aux pressions électorales.
Remédier à l’impopularité et à l’inefficacité du Sénat ne veux donc pas dire le supprimer, mais plutôt de le réformer en profondeur pour qu’il retrouve un sens et une utilité réelle dans la vie publique.
Certes, la suppression du Sénat permettrait d’économiser plusieurs milliards d’ariary (salaires, locaux, fonctionnement...) que l’on peut utiliser pour la santé, l’éducation ou les routes. Mais ce gain financier est limité par rapport au budget total de l’État.
Les pistes de réforme
Si le Sénat était supprimé, les lois seraient votées plus vite, car il n’y aurait plus de double lecture ni de navette parlementaire. Cela simplifierait le processus législatif, mais réduirait les contrôles. D’où un affaiblissement de la démocratie. En sa qualité de représentation des territoires, les décisions risqueraient d’être encore plus centralisées dans la capitale.
Il faut donc faire du Sénat une vraie chambre des territoires plutôt qu’un doublon de l’Assemblée.
- Renforcer son rôle de représentant des régions et défenseur des intérêts locaux.
- Donner au Sénat la responsabilité d’évaluer les politiques publiques locales (éducation, santé, environnement, décentralisation)
- Créer des commissions territoriales où les sénateurs travaillent directement avec les gouverneurs, maires et chefs de région.
Si la décentralisation et la transparence progressaient, le Sénat pourraient devenir un outil de stabilité et d’équilibre démocratique plutôt qu’un symbole de gaspillage. Mais c’est à long terme. Ce que l’on peut faire à court-terme, c’est de procéder sans délai à la nomination de nouvelles personnalités répondant :
- à des critères de compétence, d’intégrité et de représentativité ;
- à la vision du nouveau mandat présidentiel ;
- et au respect de l’équilibre régional et de genre.
Ceci permettra de rehausser la crédibilité du Sénat. Et de laisser les anciens faire tranquillement leur traversée du désert…