Publié le 6 février 2025

Non, non, rien n'a changé, tout a continué !

Il y a une espèce de honte à constater que ce qu’on a dit il y a des lustres demeure toujours d’actualités. C’est le cas des (mini)éditos, intitulés « Eh, dis donc… », que j’ai pondu pour « Le Courrier », un quotidien éphémère que j’avais l’honneur de diriger à un moment. J’étais même le premier à parler du concept de « foza » dès 2005. Vingt ans après, rien n’a changé. Florilège.

Par Randy donny

Image de couverture de Non, non, rien n'a changé, tout a continué !

Eh, dis donc…

Et une autre génération sacrifiée, une !

Seuls les imbéciles ne changent pas d’idée, dit-on, Mais d’un autre côté, il n’y a que les bourriques qui tournent en rond. C’est un peu le cas du système scolaire. Actuellement, après le retour au français dans l’enseignement, certains commencent à avoir la nostalgie de la malgachisation, tant décriée pourtant à l’époque du socialisme. C’est parce que, au bout du compte, le bilan risque d’être le même. Pour la simple et bonne raison : ce sont ceux qui, il y a trente ans, étaient moulés dans la malgachisation, et qui de ce fait n’avaient pas un bon niveau en français. Une génération sacrifiée va sacrifier une autre génération. Et le comble, c’est que ce problème n’est pas résolu que l’on veut déjà introduire l’anglais dès le Primaire. C’est à perdre son latin. Surtout quand ces chamboulements s’accompagnent de changements de dénominations des établissements scolaires eux-mêmes.

Si vous ignorez ce qu’est une école fondamentale de premier cycle, sachez que c’est tout bêtement une école primaire. Après tout, pourquoi faire simple si l’on peut faire compliquer ? Du passé, faisons table rase, certes mais « Sekoly fanabeazana fototra » (SFF) faisait très bien l’affaire. C’est comme avec le découpage territorial. Tout le monde se mêle les pédales avec les communes, que l’on emploie même dans les textes en malgaches, et les districts… sans parler des préfets et sous-préfets… tout en continuant à parler de fivondronana, de firaisana et de fokontany qui, à bien y penser, faisaient bien l’affaire.

A la longue, on finira par changer le nom même de Madagascar, comme les Zaïrois et les Burkinabés. Madagascar ne peut échapper à l’Afrique.

in "Le Courrier" du mercredi 17 août 2005, pp. 10

Morondava, Forêt de Kirindy.

Tant qu’il y aura des zébus

Duel à Kelihorombe. A ma gauche, un commandant de la gendarmerie qui joue aux shérifs comme au bon vieux temps du Far-West quand des bagarreurs troublaient la quiétude des braves éleveurs de bétails. A ma droite, les dits bagarreurs et leurs complices au sein de l’administration qui veulent prendre haut et court le shérif à leur place. Changez le décor – le Colorado contre l’Isalo - les acteurs, les cow-boys contre des dahalo ; les armes, des winchesters contre des kalachnikovs… et vous obtenez un nouveau genre qui ferait fureur sur grand écran : le western « vary gasy ».

Il ne faut pas se leurrer. Il y aura toujours des dahalo tant que la banque des paysans est constituée des zébus. La solution n’est pas au bout du fusil, ni à bord d’un hélicoptère. Encore moins dans une puce électronique dont le coût représente l’agio. La solution doit être radicale. C’est d’éradiquer l’élevage contemplatif. Et d’initier les paysans au système d’épargne moderne. Ce ne sera pas facile. Ce sera même une espèce de révolution. Mais on peut y arriver, comme lorsque les monnaies coupées ont été remplacées par l’argent « standard », pour se limiter à cet exemple.

A force de contempler les zébus, on finit par les imiter. Une société incapable de regarder les animaux hors de leur contexte naturel ne peut s’ouvrir sur un monde où la télévision a raccourci les distances.

in "Le Courrier" du mardi 23 août 2005, pp. 10

Adieu saphir, or, vanille…

Diem perdidi. Nous n’avons pas seulement perdu notre journée. Nous avons gaspillé notre futur.
On a extrait le saphir par tonnes des entrailles d’Ilakaka et du deep south. L’or continue d’être produit également par tonnes à Maevatanàna et sur la moindre rivière qui parcourt le pays. Sans oublier la rubis et autre ressource minière dont on a dépossédé la terre des ancêtres. Où cela nous a-t-il conduits ? Dans un gouffre de misère encore plus grand.

Chat échaudé craint l’eau froide. Actuellement, Qit Fer s’apprête à exploiter l’ilménite à Fort-Dauphin en promettant des dollars, des Américains tablent sur le pétrole, après les Sud-africains d’Impala Platinium, les Japonais de Sumitomo s’intéressent au projet nickel Ambatovy de Dynatec Corp… Les projets s’amoncèlent. La misère aussi. A croire que nous sommes incapables de gérer nos richesses pour servir notre développement. Et lorsque quelque chose marche, on a le don de tout désorganiser. C’est le cas avec la vanille et le letchi.

Le Japon n’a pratiquement rien. Voilà pourquoi on l’appelle le colosse aux pieds d’argile. Parce que sa puissance repose en grande partie sur des importations de matières premières. Nous, on a tout. Mais on est toujours pauvres.

in "Le Courrier" du jeudi 25 août 2005, pp. 10

Pitié pour les organes génitaux de la République

Il existerait 186 partis politiques à Madagascar. Ils atteindront certainement 200 en 2007 lors des présidentielles. Cette hypertrophie finit par fatiguer les organes génitaux de la République. Voilà pourquoi les débats politiques sont généralement stériles. Le peuple congédie des imbéciles et se retrouve avec des incapables. Tant de bonnes volontés et aucun projet de société viable. Les promesses d’Ivrognes sont telles que l’on commence à se demander si l’on ne doit pas faire souffler les politiciens dans un ballon pour savoir s’ils ont le droit de conduire le pays. Comme ça, au moins, on sait d’avance que l’on court au désastre. Sans regrets. Heureusement qu’au pays du « moramora », la vitesse de déplacement ne dépasse jamais 68 km/h, peut-être par crainte d’une tête à queue. Encore faut-il qu’il ait une tête.

Si la devise des mousquetaires était : « Un pour tous, tous pour un… », Celle des politiques serait-il « Un pour tous et tous pour moi » ? Chacun déclara avoir des grands sentiments et se révèle avec des petites intentions.

in "Le Courrier" du vendredi 26 août 2005, pp. 10


Paniers à crabes

Question a 2500 FMG : pourquoi on ne met jamais quelque chose au-dessus d’un panier à crabes ? Parce que l’on est sûr que les crabes ne s’y échapperons pas. C’est connu, chez les crabes, ceux qui sont au fond s’acharneront toujours à tirer les pattes de ceux qui essaient de s’en sortir.

Cette situation se rencontre souvent chez les humains. Particulièrement à Tana. Ceux qui sont au fond du panier à crabes cherchent toujours à tirer les pattes de ceux qui sont au-dessus. A coups d’affirmation mensongères, d’auto-publicité (normal quand on en manque) et d’arrogances de tigres en papiers. Journal de préférence.

Dans la course à la survie, chacun veut, sinon affirme, être le premier en adoptant généralement la méthode de Coué. Après tout, laissons faire. Parfois, il y a des maladies qui se guérissent avec du placebo. Sauf quand c’est chronique. L’alcoolisme, par exemple.

« La modestie est au mérite ce que les ombres sont aux figures dans un tableau : elle lui donne de la force et du relief », disait un penseur. Un crabe est-il capable d’en avoir ? Pour le savoir, il n’y a qu’un moyen : lui demander s’il sait ce que c’est qu’un tableau.

in "Le Courrier" du mercredi 28 septembre 2005, pp. 10