Publié le 13 octobre 2024

« En matière de viols, le problème n’est pas le sexe… »

Mon regard sur l’introduction dans le Code pénal de la castration des auteurs de viols pour mineurs dans le n° 36 de « Politikà » (mars-avril 2024), pp. 44-46. Il s’agit d’une interview croisée avec Mbolatiana Raveloarimisa et Johary Carol Ramanamiseta qui apportent donc aussi leur expertise. Mais je ne retranscris ici que mes réponses. Pour obtenir l’intégralité de l’article, le magazine est disponible en téléchargement ici.

Par Randy donny

Image de couverture de « En matière de viols, le problème n’est pas le sexe… »

Politikà : Madagascar est désormais l’un des pays les plus répressifs au monde contre les violeurs d’enfants. Qu’est-ce que l’introduction dans le Code pénal d’une peine de castration pour les auteurs de viols sur mineur vous inspire-t-elle ?  

J’ai l’impression que l’on fait du rétropédalage en ces temps modernes où l’on érige la défense des droits humains parmi les critères de développement. On a l’impression que si cela continue, Madagascar va retourner à l’âge des cavernes en matière de justice pénale avec, déjà, la multiplication des vindictes populaires. Je compatis à la souffrance des victimes et je comprends parfaitement la douleur des familles mais la vendetta et la loi du talion ont fait leurs temps. Si chaque proche d’une victime d’homicide se met à tuer le meurtrier, on ne s’en sortira pas. D’autre part, des millénaires d’expériences nous ont permis de tirer des leçons sur les erreurs judiciaires. Voilà pourquoi, entre autres, on a aboli la peine de mort. Pour éviter de tuer par erreur. Faute de statistiques pour Madagascar, 56% des prisonniers disculpés aux Etats-Unis étaient condamnés en raison de faux témoignages, 46% dus aux comportements à blâmer des enquêteurs et 38% à cause des erreurs des témoins oculaires. C’est particulièrement récurrent en matière de viols. Prenons quelques exemples : aux Etats-Unis, condamné pour viol en 1975, alors qu’il avait une vingtaine d’années, Léonard Mack a été innocenté en 2023, à 72 ans ! Au Royaume-Uni, Andrew Malkinson, 57 ans, a été innocenté en 2023 après avoir passé 17 ans en prison pour une affaire de viol hyperviolent. A l’étranger, les analysées ADN ont permis de blanchir bien de condamnés. A Madagascar, on a quoi ? De plus, les multiples pressions, d’en haut ou de la rue, ne militent toujours pas pour une appréciation saine du milieu judiciaire. En France, Farid El Hairy, a été accusé par une adolescente de 15 ans de viol en 1998. Le garçon fera alors 5 ans de prison et fiché délinquant sexuel. 20 ans après, son accusatrice, devenue mère de famille, écrit à la Justice qu’elle avait menti. Elle avoue avoir été plutôt violée par son frère et s’est enfermée dans le déni pour protéger sa famille. Justement, selon une étude de l’Unicef, 91% des agresseurs sexuels sont des proches et 81% des victimes sont des mineurs. Cherchez l’erreur…

Au regard des droits humains, quels sont vos commentaires ?

La castration est contraire au principe des droits humains. Vous savez que le 06 février est la journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales chez les femmes ? Pourquoi imposer chez les hommes ce que l’on se met à combattre pour les femmes ? En ces temps de combat pour l’égalité des genres, on ne peut pas dire que ce n’est pas pareil, une mutilation reste une mutilation quel qu’en soit la raison car, dans tous les cas, il s’agit de préserver l’intégrité physique de l’être humain.  On évite de faire cela même aux animaux actuellement avec les mouvements de lutte pour l’interdiction de la corrida et autres jeux impliquant des animaux. Sans parler des nouvelles normes relatives à l’abattage des bêtes pour leur éviter la torture, une mort atroce.    

La plupart des pays du monde ont abolis les châtiments corporels, Madagascar va dans le sens opposé. Qu'en pensez-vous ?

La castration, qu’elle soit chimique ou physique, nécessite un budget que l’on va prélever sur les impôts que paient les citoyens. Et cela coûte plutôt cher, autour de 2 millions ariary. Or, la loi ne prévoit rien pour les victimes. Qu’ils soient fille ou garçon, ils ou elles nécessitent des soins lourds, aussi bien physique que psychiatrique, à vie. On dépense l’argent des contribuables pour castrer un criminel et on fait appel à la charité publique pour soigner les victimes, vous trouvez que c’est juste ? Ce n’est pas une solution, c’est plutôt un problème. Car en fait, et c’est ce que les législateurs semblent ignorer, il faut savoir qu’en matière de viols, le problème n’est pas le sexe. Chacun de nous est doté de sexe. Mais pourquoi, on ne devient pas des violeurs ? Parce qu’on a une maîtrise de notre attribut. C’est que tout est dans la tête. C’est une pathologie, une trouble de la personnalité liée au cheminement existentiel de l’individu. Castrons, castrons, il en restera toujours quelques choses. Ce n’est pas parce qu’on va les rendre impuissants que les délinquants sexuels ne vont plus sévir. Au contraire, cela ne peut qu’aggraver les choses : ils peuvent devenir des psychopathes. Demandez aux psychiatres.

Comment expliquer que l'administration ait autant de célérité pour les violeurs d'enfants mais peine à avancer quand il s'agit de victimes de viols, notamment par rapport à l'ITG?

Je n’ai pas d’explication. Ou peut-être que je suis moi-même dans le déni concernant cette question. En fait, il fallait faire un débat national avant d’adopter la loi dans le calme et avec du recul. Il en est de même pour l’ITG et autres sujets sensibles des temps actuels qui ne cesseront dorénavant de rejaillir dans les actualités.